HOMELIE DU 4ème DIMANCHE DU CAREME C.
Quel catéchumène ne connait par cœur cette parabole de
l’enfant prodigue ? C’est le cœur même de l’Evangile écrit par saint Luc
qui nous a conservé cette richesse, cette mine inépuisable de méditation !
« Oui, je me lèverai, et j’irai vers mon père… ». C’est la décision à
prendre sans trop tarder : se lever et aller vers le Père… !
Ce père dont l’enfant s’était séparé de manière la plus dramatique qui soit.
Maintenant, après mille échecs, il rentre en lui-même et pensant justement
à la bonté et à la justice du père, il retrouve en soi la lucidité et la force de
se surpasser et même de passer à l’action la plus salvifique : « se
lever ». Il est vrai qu’il était projeté à terre par le péché qui le
traînait du plus bas degré au plus bas degré de la déchéance.
Mais la toute première
chose à souligner dans cette parabole se
trouve dans l’introduction où il est mentionné : En ce
temps-là, les publicains et les pécheurs venaient tous à Jésus pour
l’écouter. Les pharisiens et les scribes récriminaient contre lui : « Cet
homme fait bon accueil aux pécheurs, et il mange avec eux » ! Alors
Jésus leur dit cette parabole : « Un homme avait deux fils…. ».
Tout se concentre donc sur les deux fils. La beauté de cette parabole ne doit
donc pas nous faire perdre de vue sa raison d’être. Elle met en évidence deux
groupes de croyants : les publicains et les pécheurs d’une part, les
pharisiens et scribes d’autre part. Mais loin de nous faire un reportage
journalistique sur les perversions des uns et des autres, l’évangile nous
prévient plutôt contre les plaies qui pourraient affecter nos propres rapports
avec notre Dieu.
Publicains et pécheurs,
pharisiens et scribes : deux enfants malades de la même peste :
Orgueil et
présomption !
Ici, l’Enfant prodigue,
c’est le groupe des publicains et des pécheurs qui se relèvent finalement du
poids de leurs péchés grâce à la miséricorde du Rédempteur. Un publicanus,
nous le savons, est un homme d’affaire de l’administration romaine qui par
contrat avec l’autorité civile était nommé collecteur des taxes au nom de l’Etat.
Parmi les chefs hiérarchiques des publicains, nous connaissons bien Zachée de nom. Ils sont tos par vocation d’une impopularité générale,
parce que leur fonction qui fait d’eux des collaborateurs actifs de l’occupant
Romain, était universellement mal vue du public. Ils sont donc fréquemment
méprisés et associés aux pécheurs publics, parmi lesquels les prostitués. Jésus
qui est venu, non pour condamner, non pour juger, mais se reconnaissant la face
visible de la miséricorde du Père, leur faisait bon accueil et mangeait
avec eux. Ce qui surprenait et choquait les bien-pensants. D’où leur prétention
de se croire des justes, au point de critiquer l’attitudes de celui qui les
accueillait les pécheurs.
Mais soulignons pourtant
que, si Jésus ne condamnait pas les publicains ni les prostitués, ce n’était
pas une manière d’approuver ce qu’ils faisaient. Non ! Sa mission a été
seulement de leur prouver la miséricorde du Père et les appeler au changement
de vie, à la conversion. Eux, se sentant alors accueillis s'approchaient
tous de lui pour l'écouter.
Tandis que les pharisiens et les scribes, ne voulaient rien avoir de commun
avec le Christ. En effet, à côté des grands prêtres qui formaient l’aristocratie
sacerdotale et des anciens qui formaient l’aristocratie laïque, les scribes,
issus de toutes les couches de la population tenaient une place de prestige et
leur puissance venait de leur savoir. Ils formaient un groupe de censeurs
publics avec les pharisiens qui sont, quant à eux des laïcs pieux qui
avaient la prétention d’être « la communauté sainte d’Israël ». Tous
agissaient justement comme le fils aîné de l’évangile de ce jour. Leur manière d’adorer
Dieu faisait d’eux des ouvriers du temple et non des fils. Ils sont de
plusieurs catégories : pharisiens aux fières épaules, dont la piété est
ostentatoire, pharisiens comptables, calculant les gains et les pertes
provenant des préceptes accomplis et des transgressions commises, pharisiens
gagnant du temps, prétextant d'un devoir religieux qui l'attend pour tarder de
donner à manger à ses ouvriers… etc. Ils restaient tout le temps à critiquer Jésus qui a
prononcé plusieurs paraboles à leur encontre, comme celle que nous méditons.
Une autre commence comme ceci : « En ce temps-là, à l’adresse de
certains qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient les autres,
Jésus dit la parabole que voici : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier.
L’un était pharisien, et l’autre, publicain (c’est-à-dire un collecteur
d’impôts). Être convaincu d’être juste et mépriser l’autre... La conclusion
nous renseigne que le publicain, à cause de son humilité est écouté, parce que
justifié par Dieu. Ici dans l’Evangile de ce jour, le frère aîné méprise son
jeune frère : il refuse de participer à la fête organisée à son
retour ; il le traite de : ton fils que voilà.
Misericordes sicut Pater : Miséricordieux comme le Père.
L’attitude du père dans cette parabole rappelle la figure miséricordieuse
du Père de Jésus-Christ. Il ne juge personne, ni l’enfant prodigue ni son
fougueux de frère aîné. C’est ainsi que faisait le Christ lui-même, mangeant
avec les publicains et les pécheurs et ne refusant jamais l’invitation des
pharisiens. En chacun de nous grandissent malheureusement, et l’enfant prodigue
et le frère aîné. Nous sommes pécheurs mais nous jugeons les autres. Juger
l’autre signifie qu’on ne connait pas réellement la valeur de la miséricorde de
Dieu. L’année de la Miséricorde nous demande de faire revivre en nous la belle
figure du Père dont la bonté est victorieuse contre l’offense.
Oui je me lèverai et j’irai vers mon Père. Voilà enfin le cri qui doit devenir nôtre, au fur et à mesure que nous
nous approchons de la Pâques du Christ, fête de notre libération et de notre
entrée en terre promise (cf. 1ère Lecture). Le Père ne se soucie que
de notre retour, de notre conversion. Laissons-nous réconcilier avec
lui comme nous le demande l’Apôtre dans la deuxième lecture : laissez-vous réconcilier avec Dieu.
Père Moïse N. KOUMAKPAÏ
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